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Le géant fissuré regardait fixement par-dessus mon épaule, et je me retournais instinctivement : rien, un mur.

J'ai perdu au moins deux centimètres en un an et je ne durcis plus complètement. Oui, mon vieux, c'est comme ça. On y passe tous, y a pas de bon Dieu. En 1944, je débarquais en Normandie, à Omaha Beach, sous les mitrailleuses, je libérais Paris ; vous, vous étiez un héros de la Résistance, colonel à vingt-six ans dans le maquis ; et maintenant, on ne peut plus bander. Vous ne trouvez pas ça dégeulasse ?

Oui, ce n'était vraiment pas la peine de gagner une guerre...

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je m'en fous, j'ai besoin de finir ! Je veux que tu te sentes définitif et irrémédiable ! Je veux rentrer au Brésil par le premier accident d'avion, morte !

Elle fit monter la vitre et colla son visage contre elle en pleurant. Je couvris la vitre de baisers. J'étais trempé. Je contournai la voiture pour me mettre au volant mais elle verrouilla la portière J'ôtai mon chapeau, mon imperméable, j'enlevai mon veston, ma chemise, ma cravate. Lorsque je commençai à ôter mon pantalon, il y eut dans son regard une nuance d'intérêt et même d'estime. Quand j'eus retiré mes souliers, mon slip et mes chaussettes et que je fus tout nu sous la pluie, elle parut favorablement impressionnée et même rassurée. Elle baissa la vitre de la Jaguar.

Pourquoi fais-tu ça ?

Je ne sais pas, dis-je. Je ne suis pas brésilien.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

C'est-à-dire, mes débuts d'élan sont spontanés mais après, il faut bâtir...

Il nota quelque chose sur ma feuille de sécurité sociale.

Donc, des érections laborieuses.

Pas exactement, mais...

Ne vous défendez pas, cher monsieur. Vous n'êtes pas devant un tribunal et personne ne vous accuse de rien. Votre honneur de Français, de patriote et de résistant n'est pas en cause.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je n'ai jamais vu aussi clairement en moi-même qu'en ce moment, où je ne vois plus rien.
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Extrait de



FOLIO n°1048
Éditions Gallimard, 1975
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